Je verse le thé bouillant dans deux tasses traditionnelles.
Mes pensées vaquent de si, de là, le temps de ma courte activité. Elles se dirigent notamment vers Guren qui m’a laissé seul. Physiquement du moins. J’ai l’impression qu’il n’est pas loin. Si tel est le cas, quel est donc ce sentiment de solitude ? Est-ce à cause de la nostalgie d’être dans une situation similaire à ce que je vivais dans le passé ? C’est la seule hypothèse qui me semble viable. Pourtant, je ne me sens pas la force de me pencher plus amplement sur la question. C’est bien trop difficile pour mes émotions en branle.

J’entends la porte s’ouvrir.
Cela me permet d’oublier ce sentiment perturbant en me concentrant sur ma nouvelle invitée. Celle-ci est de toute évidence aussi énergique que le premier jour de notre rencontre. Je me tourne donc vers elle en lui souriant poliment. Ce n’est pas que je ne suis pas content de la voir. Au contraire, je me sens reconnaissant à son égard. Nous ne sommes néanmoins pas amis pour que je me sente en joie d’être en sa présence. Je doute même pouvoir prétendre la connaître comme je le voudrais. Elle est… une camarade et collègue, sans plus. Et celle-ci met à l’épreuve mes réflexes en me donnant soudainement une assiette de cookie entre les mains. Je dois beaucoup à ma patience pour garder loin de moi l’énervement qui pourrait secouer d’autres personnes que j’ai rencontrées par le passé ou qui sont actuellement dans ma classe de sixième. C’est donc calmement que je me dirige avec elle vers la table en répondant à ses salutations :

- Bonjour, Ootsuka-san. Je vais bien et vous ?

Tout en écoutant sa réponse, je pose l’assiette sur la table, près de l’endroit où nous allons nous installer. Puis, en allant chercher les tasses de thé fumant, je déclare :

- Vous pouvez prendre place, je vous apporte le thé.

Celles-ci sont posées sur un plateau que je tiens à deux mains pour les amener à table. La surface mobile posée, je tends une tasse à mon invitée qui me remercie avant de prendre la mienne. Ce n’est qu’à ce moment où nous sommes tous les deux servis que je m’assieds en face d’elle.

Je bois une gorgée de thé.
C’est agréable. Étrangement un peu plus que plus tôt lorsque j’étais en compagnie de Faust-san avec qui il était plaisant de discuter. Possiblement parce que je sais où cette conversation va me mener, cette fois. Une conversation dont ma vice-présidente me rappelle le sujet avant de prendre elle-même une gorgée du breuvage parfumé.

- Effectivement. J’ai été témoin de rapports qui faisaient mention de querelles violentes dans les couloirs. Certains ont même parlé d-...

Je suis coupé dans mes explications par une remarque de mon interlocutrice. Je n’avais pas pris en compte son sourir, mais sans doute aurais-je dû le faire. Je la laisse s’exprimer pleinement en prenant un cookie. Il est vrai que nous avons la même couleur de cheveux, bien que je ne connaisse pas la raison de la sienne. Enfin, si j’en crois sa formulation, je doute qu’il s’agisse d’une simple coloration.

J’apprécie la prise de conscience de mon interlocutrice.
Je lui offre un sourire reconnaissant avant de répondre posément et de manière compréhensive :

- Nous pourrons parler de nos cheveux après notre problème, Ootsuka-san. Avant ça, j’aimerais qu’on se penche sur ce qui pourrait être un début de harcèlement. Je ne sais pas encore ce qu’il en est vraiment, mais plusieurs rapport font mention de violentes querelles dans les couloirs du collège. Comment ça se passe au lycée ? Pensez-vous qu’il soit possible que quelques membres qui s’occupent du lycée patrouillent dans le collège pendant les intercours pour enquêter ?

Avant de prendre une décision, je préfère avoir d’autres avis. Qui de mieux que ma vice présidente pour me guider ? Je lui ai donné en charge de gérer le lycée pendant que je m’occupe du collège puisque nous pouvons prendre des décisions directes par rapport à ce que nous voyons. Et, ainsi, la prise de décision est plus facile quand des problèmes interviennent d’un côté ou d’un autre. Sans doute aurait-il pu y avoir une distribution des tâches plus simple ou plus efficace encore, mais comme celle-ci fonctionne bien je ne prévois pas encore d’en changer.

Je croque dans un cookie.
Le goût me plaît beaucoup et je me force presque à mâcher correctement avant de reprendre une nouvelle bouchée. Heureusement, cela ne m’empêche pas de me montrer attentif. Ou presque.

Je garde mon calme.
Bien que je me sente un peu agacé de cette distraction, m’énerver à ce propos ne nous mènera qu’à une querelle inutile. De plus, il est vrai que je souhaite en savoir plus sur ma vice-présidente, donc lui accorder une discussion après avoir pris le temps de parler de la sécurité de l’école. Non seulement cela pourrait la remettre sur le droit chemin, mais cette promesse me permet également d’en savoir un peu plus sur cette personne sur laquelle Guren m’a fortement conseillé de me concentrer. Ootsuka-san ne semble pas vouloir m’obliger à m’y attarder, mais puisque c’est aussi dans mon intérêt, autant lui accorder cette attention.

Je reprends mon explication.
Celle-ci concerne ce qu’il se passe au collège en particulier. Des problèmes que j’aimerais atténuer en renforçant la sécurité et en sensibilisant tout le monde à faire attention aux conséquences de leurs actes. Cela serait bien si les Onmyoji pouvaient s’entendre et que les humains de manière générale pouvaient s’entendre, ou au moins se tolérer un peu plus. Je suis conscient de la situation difficile du monde avec les menaces des bombes nucléaires pour éviter toute guerre mondiale, par exemple. Et je dois avouer que cela me fatigue de savoir qu’on est obligé d’en arriver à des mesures aussi radicales. C’est du grand n’importe quoi… Je veux retourner à mon époque…

J’attends l’avie de ma vice-présidente.
Ses explications m’aident à comprendre le peu de rapports concernant ce genre de soucis au sein du lycée. L’efficacité dont elle fait preuve m’impressionne et je dois avouer que c’est un soulagement de ne pas avoir à gérer les deux côtés pour ces bêtises inutiles. Force est d’avouer que la jeune génération d’Onmyoji pourraient être source de changements au sein du monde. Surtout en voyant certains héritiers comme celui des Musashi. J’espère ne pas me tromper en mettant mes espoirs en cette possibilité aussi mince puisse-t-elle être. En attendant, je dois me concentrer sur le problème le plus urgent. Et l’avis de Ootsuka-san est qu’il serait plus judicieux de compter sur des esprits que changer le rôle des membres du conseil de disciplines. Les raisons évoquées sont très justes et je me sens comme un imbécile de ne pas y avoir pensé moi-même.

Je laisse me réflexion s’imprégner des paroles avisées qui ont été partagées avec moi.
Les conseils sont très bons. Il n’y a donc aucun intérêt à chercher des défauts à ces solutions presque miraculeuses. Je tente néanmoins de me remémorer ce que je sais de Koe pour savoir s’il serait véritablement d’accord pour nous permettre d’user de son aide. Il m’a bien aidé à jouer à des jeux, il est très aidant auprès de Arakan malgré sa manie de râler, et je doute que la sécurité de l’école ne soit pas importante pour lui. Finalement, je ne vois pas d’autres solutions que celle-ci.

- Tant que les esprits ne font rien pour nuire à autrui, je n’ai rien contre eux. Même en tant qu’Onmyoji, je ne vois pas l’intérêt d’occire tous les esprits alors que, comme tu viens de très justement le faire remarquer, ils peuvent nous venir en aide.

Et comme je suis plutôt proche de Guren qui est un Shikigami, il serait sans doute hypocrite de ma part d’avoir un avis différent sur la question.

- Je pense que tu as raison, demander de l’aide à Koe est le mieux que l’on puisse faire actuellement. J’irais le voir plus tard pour lui en parler.

Je peux penser le connaître un peu et avoir un peu de poids pour lui faire une telle demande. D’un autre côté, étant le président du comité, je suis persuadé qu’il est de mon devoir de prendre en charge ce travail. Je tente donc de porter notre intérêt sur un autre pan su problème :

- En plus de cela, penses-tu qu’il soit possible de faire des interventions pour sensibiliser les élèves à ce genre de problème ? Je me doute qu’il ne sera pas possible de changer l’avis de tout le monde, mais je reste persuadé que c’est mieux que de ne rien faire. D’autant plus qu’il est possible que certains des violenteurs n’aient pas conscience de la portée de leurs actes.

J’imagine faire des réunions d’information et peut-être même, pourquoi pas, mettre en pratique tout cela dans une certaine mesure. Pourquoi ne pas profiter de discuter avec Koe pour mettre au courant Arakan ?

Je parle de mon idée.
Mon assurance est plus factice qu’autre chose. Le monde de l’école, que ce soit en tant qu’élève, organisateur ou même président du comité de discipline, m’est encore inconnu sur bien des aspects. C’est extrêmement frustrant puisque cela me donne l’impression que je suis un simple ignorant et, pire que ça, je me trouve à jouer (à la perfection) mon rôle d’enfant de douze ans. En faisant des erreurs, en étant brouillon, en demandant de l’aide… Certes, je n’ai pas spécialement envie de montrer que je ne suis qu’un vieux fossile qui devrait être six pieds sous terre depuis bien longtemps. Mais être traité tel un de ces enfants immatures me déplaît encore plus. J’ai grandi, je suis capable d’une réflexion que les plus jeunes n’ont pas encore. Qu’on me sous-estime à ce point est irritant. A savoir ce qui l’est le plus entre l’image qu’on a de moi et celle que je renvoie à cause de mes méconnaissances, je ne saurais le dire.

Mon idée est acceptée.
C’est une joie d’entendre mon bras droit valider ce projet. Je ressens, grâce à ces quelques premiers mots, la confiance monter. Il est plaisant de constater que malgré mes doutes et mon obligation de tâtonner pour m’habituer à la vie de collégien (tuez moi, je n’en peux plus…), je suis capable de faire mon travail correctement. L’année précédente semble ne pas avoir été perdue, finalement. Je prends alors mentalement note des questions de Ootsuka-san  pour pouvoir y répondre dès que j’en aurais l’occasion. L’une porte sur les personnes qui mèneront la sensibilisation auprès des élèves. Quant à la seconde est plus une proposition qui vise à intégrer les adultes dans le processus. Que de bonnes remarques et questions, je dois dire, dont l’une à laquelle je n’avais pas du tout pensé. Cela me ravi de parler avec cette personne de tout cela. Je peux apparemment compter sur elle et je compte bien le faire tant que la confiance instaurée entre nous est présente.

Je tente de répondre.


Je me rends compte que cela règle un problème auquel j’avais pensé un peu plus tôt : je n’ai pas à lui demander son aide puisqu’elle me l’a elle-même proposé. Je comprends également pourquoi elle est intéressante à rencontrer. Je ne remercierais jamais assez Guren pour tout ce qu’il fait pour moi.

- Pour répondre à tes questions, je pense que ce serait une bonne idée que les membres du comité se chargent de sensibiliser les autres élèves oui, mais sur la base du volontariat. Si leur interlocuteur n’est pas convaincu par ce qu’il dit ou qu’il est trop stressé en parlant, ça risque d’être contreproductif. Par contre, concernant la présence d’un surveillant, ça dépend du cadre dans lequel on organise tout ceci. Parce que si on prend un heure de vie de classe pour en parler, il y aura déjà un professeur, ce qui est sans doute suffisant. Mais si on prend un temps de libre pour s’installer dans une salle et en parler, effectivement, avoir un surveillant pourrait être intéressant.

Pour une raison que j’ignore, je sens que cette histoire va être longue à organiser… Je suis fatigué rien que d’y penser. Mais puisque c’est pour la sécurité et le bien-être de tous, il est nécessaire de le faire.

- Avant toute chose, il faut trouver une plage horaire, ou qu’on arrive à s’organiser avec les professeurs. Et aussi préparer ce qu’il faut dire devant les élèves. Là seulement, on pourra voir auprès des autres qui est intéressé pour s’y coller…

En espérant qu’il y aura des volontaires sans quoi je sens que tout cela sera bien plus long que prévu. Rien que d’y penser je sens ma fatigue monter d’un cran.

Un instant.
Je laisse ma vice-présidente me dire ce qu’elle en pense en allant chercher de quoi noter. Point par point, je fais une to do list avec des notes destinées à compléter les intitulés quand cela est nécessaire. Je la lui fais valider avant de lui demander :

- Tu es en droit de ne pas répondre à ma question mais… quel est ton lien avec les esprits exactement ? Plus tôt, tu m’as fait comprendre que des esprits t’aident, mais j’imagine qu’ils ne le font pas parce qu’ils s’ennuient. Si ?

Je dois avouer que je ne suis pas très au fait des activités des esprits en dehors de leur vie à l’académie et des problèmes qu’ils sont capables de causer. Bien que cela semble un peu tard, surtout en 1030 ans de vécu, je préfère me renseigner un peu maintenant que ma curiosité est piquée.