J'avais mal dormi cette nuit, comme souvent. Enfin dormir.. C'était rarement le cas étant donné que je faisais souvent des crises d'insomnie. Et la nuit dernière en était une, seulement je n'avais pu que regarder mon plafond faute de ne pas vouloir réveiller mon camarade de chambre. J'avais un minimum de savoir vivre après tout ! Mais voilà... J'aurais préféré peindre ou au moins dessiner mais la vie ne donnait pas toujours ce qu'on voulait. D'ailleurs elle ne me donnait pas grand chose de ce que je voulais depuis ma naissance, autre que l'art. Elle m'avait surtout « offert » ce handicap qui faisait rire bien des gens, enfin des adolescents, les adultes étaient davantage compréhensifs. Et puis il faut dire aussi que j'étais sous surveillance médicale pour constater que je n'avais pas trop de problèmes. Souvent c'était le cas. Lorsque pour la énième fois je m'auto mutilais. Mes parents ne pouvant le voir parce que j'étais loin d'eux. Ça me faisait tout de même un poids en moins même si je savais quelque part qu'ils devaient être au courant de mes agissements par le proviseur ? Peut être, peut être pas je ne sais pas, je ne voulais pas savoir et je ne savais pas ce qu'ils en pensaient. Je voulais juste rester dans ma bulle. Ma bulle, c'est tout ! Ce n'est pas si compliqué après tout, si ? Hé bien si... Les élèves ne l'entendaient pas forcément toujours de la même manière. Alors qu'il n'y avait pas de dégâts physique, pas de passage à tabac, il y avait la violence verbale, les moqueries qui pour moi était pire que tout. Mais... Qui voudrait se battre avec un adolescent de plus d'un mètre quatre vingt et légèrement costaud bien que « timide » ? Il est vrai que ça faisait peur à certains, beaucoup même, alors ils employaient les mots. Pire que tout pour moi et à mon humble avis pour tout le monde.

Enfin bref, j'étais en dehors de l'académie pour fumer une cigarette avant d'aller au dortoir lorsqu'il serait ouvert, histoire de me cacher des gens et d'être posé tranquillement, avec un peu de chance il n'y aurait pas mon « colocataire » car oui pour moi c'était une colocation après tout, non ? Je ne sais pas trop je n'ai pas envie d'y penser. Je profite donc d'être près d'un banc pour m'y installer et prendre une cigarette dans mon paquet pour commencer à fumer tranquillement ma sucette à cancer, aspirant dessus à grande bouffée, presque à m'en faire exploser les poumons, pour peu que l'on ne soit pas habituer. Cela dit j'ai de la chance j'ai encore un bon souffle pour ma condition de fumeur. Quelques minutes plus tard, ayant fini mon bâtonnet toxique que je mis dans mon cendrier portable je me relevais en soupirant. J'allais devoir recroiser le regard des autres écoliers.... Que j'avais hâte de finir la période de lycée ! Mais là n'était pas le moment de penser à ça, il fallait que je sois courageux pour affronter les autres et leurs ricanant devant l'autiste que j'étais. D'ailleurs, je ne savais pas comment ils l'avaient su.. À moins qu'ils ne le savaient pas et qu'il me prenaient juste pour quelqu'un de timide ? Trop timide ? Pour ne pas oser parler au grand public ?

Bref cela ne tarda pas pour que les premières moqueries viennent à se faire entendre. Je serrais le poings et avalais ma salive difficilement, bientôt la fin du couloir ! Bientôt la fin du couloir.. Oui, mais qu'il était long ! Je me retenais légèrement de pleurer, il fallait que je me cache alors que comment à me gratter le poignet à sang. Les escaliers se profilaient et il y avait de moins en moins de monde. Une fois à ceux-ci je me mis dos contre le mur en soupirant avec quelques difficultés. C'est alors que j'entendis une voix m'interpeller. Il ne manquait plus que ça, pourtant sa voix était calme, douce mais il fallait que je lui réponde malgré que les larmes commençaient à monter jusqu'à mes yeux. Je ne le regardais pas et commençais à bégayer, comme à mon habitude :



N'arrivant clairement pas à parler je fondis en larmes et passais mes mains devant mes yeux, faisant tomber la manche de mon uniforme et ainsi montrant mes marques, les fraîches comme les anciennes. Voilà j'allais encore passer pour un débile...

Pourquoi fallait-il que tout soit aussi compliqué dans ma vie ? Je n'avais pas la moindre chance de vivre comme tout le monde alors ? Normalement, sans qu'on m'embête ? Qu'on se moque de moi ? Le fait de traverser ce couloir me paraît durer une éternité tellement j'ai l'impression qu'on dit tout une sorte d'insulte et de moquerie sur moi. Sur le pourquoi j'ai cette cicatrice qui me barre le visage. Comme si je n'étais pas assez complexé par elle, comme si elle ne me portait pas préjudice... Si seulement je pouvais ne pas l’avoir. Ça m'ôterait déjà d'un poids en moins.. Mais non il a fallu que j'ai un fardeau de plus à compter sur mon dos déjà bien déformé à cause de tout ce qu'il se passait dans ma vie, mon handicap, ma difficulté à parler, ma timidité et j'en passe. Pourquoi m'avait-on créer en fait ? Juste pour être une tête de turc à qui l'on pourrait tout faire ? Quoi qu'il en soit je devais atteindre les escaliers, il le fallait pour être tranquille, ne me rendant même pas compte que je grattais mon poignet droit depuis quelques minutes déjà, à vrai dire depuis que j'étais dans ce couloir que je longeais près du mur pour ne pas qu'on me remarque mais, ça ne loupait pas, on me voyait toujours avec ma grande taille et cette cicatrice qui était ancrée dans ma peau. J'aurai tellement aimé ne pas l'avoir pour passer ne serait-ce qu'un tout petit peur plus inaperçu, au moins un peu, de pas grand chose. Je n'en demandais pourtant pas beaucoup, si ? Je n'avais donc pas assez de tare dans ma vie pour avoir celle-ci aussi ? Je me hais et grimace l'un de mes à ongles a percé la chair, ma peau est à vif et je sens du liquide poisseux sur mes doigts, j'ai les larmes au yeux mais je ne vais pas pleurer, non. Pas devant tout le monde !

La fin du couloir est à ma portée, je vais enfin être loin de tout le monde qui était dans celui-ci, je vais pouvoir souffler, au moins un peu. Une fois à l'écart je me colle au mur, me laissant glisser le long de celui ci en arrêtant de me gratter le poignet et mettant mes doigts devant mon visage. Ils sont rouges Je regarde ma plaie qui est, bien comme je le pensais, à vif. C'est alors que j'entends une voix, douce, attentionnée. J'écarquille les yeux. Pourquoi fallait-il que quelqu'un vienne ? Il va se moquer lui aussi ? J'attends qu'il commence mais me mets bien vite à pleurer lorsque je bégaye pour lui dire que ça va. Je ne suis qu'un triple andouille ! Il a donc pu voir mes marques . J'attends des rires de sa part, des rires qui ne vienne pas et, au contraire, il me tend presque une main pour que je lui parle de mes problèmes va-t-il s'en servir contre moi pour une prochaine fois où il se mettrait en travers de mon chemin ? J'écarte mes mains de mes yeux et vois que ce n'est pas un élève mais un prof car il n'a pas d'uniforme. Dois-je vraiment me confier à lui ? Je me lève avec un peu de mal.



Dis-je une fois levé et commençant à marcher. J'ai envie d'une cigarette... Vraiment... Et le monde devrait être moindre à cette heure dans le halle

Essayant d'arrêter de pleurer suite aux paroles qu'on me dit j'écarte un peu mes mains et constate qu'en plus de me parler la personne, qui n'est en fait rien d'autre qu'un prof, me tend une main. Que dois-je faire ? Va-t-il me faire passer un interrogatoire pour savoir pourquoi je me suis fais du mal ? Pourquoi je saigne et que j'ai autant de cicatrices ? Malheureusement, je ne pourrai rien lui dire. Pourquoi ? Déjà parce que je ne connais pas forcément le prénom et nom de mes bourreaux, qu'ils ne sont pas forcément les mêmes et aussi parce que je n'ai pas envie d'avoir des soucis. En effet malgré ma taille et mes muscles je ne me défends jamais et me laisse totalement faire malgré le fait que je sois plutôt imposant. Les gens qui se moquent de moi filles comme garçons, ceux-ci plus que les autres, savent que je ne me rebiffe pas et que je me laisse totalement faire. Je ne suis qu'un idiot ! Au départ les gens avait peur de moi à cause de ma cicatrice au visage et de ma carrure mais pourtant, lorsqu'ils ont vu que je rasais les murs, que j'avais du mal à parler et que je faisais tout pour passer inaperçu ils ont « frappé » comme je le dis souvent. Pas au sens propres mais je veux dire ça parce qu'ils ont commencé à ce moment la les moqueries, les intimidations, certains ont été renvoyés illico lorsqu'ils étaient allés trop loin ce qui avait calmé les autres. Juste un peu, juste ce qu'il fallait pour ne pas être virés, la limite et passer plus ou moins inaperçu et... J'avais l'impression que ça marchait plutôt bien, enfin, je crois ? Aucune idée, j'avais laissé derrière moi ce que devenaient mes bourreaux, me persuadant qu'ils n'étaient plus punis vu que j'en reconnaissais des récurrents. Enfin qu'après quelques secondes sans rien dire, juste pour me calmer, remettre ma manche en place, me lever et essuyer mes larmes du revers de mon poignet sain je commence à marcher vers les escaliers lentement en disant un seul mot au professeur, espérant qu'il me comprenne. Le sentant dans derrière moi et entendant légèrement ses pas j'en conclus qu'il a compris. Je marche donc tranquillement, il n'y a quasiment plus personne dans le hall, ça fait un bien fou de voir cet endroit aéré et presque vide ! J'entends toujours les pas du professeur derrière moi, au moins ça veut dire qu'il veut vraiment m'aider. Enfin je crois ? Oui, il faut que je me fasse à cette idée, il faut que je prenne cette idée au sérieux. Je continue donc à marcher en regardant mes pieds, il y a tout de même encore quelques personnes dans le hall mais c'est déjà trop pour moi. Enfin bref nous arrivons aux portes de l'académie après à peu près cinq minutes de marche il ne fait pas encore nuit et il y a encore le temps pour manger. Je n'ai pas encore mangé aujourd'hui, il faudrait que j'y pense d'ailleurs... Je fouille dans mon sac et en sors un paquet de cigarettes. La clope tant attendue, je ne mets pas longtemps à l'allumer et tirer une latte dessus, je me retourne en direction du prof, arrêtant mon regard au niveau de son menton.



Je tremble légèrement, comme ma voix. Les pleurs ont cessé mais ils sont toujours prêts à ressortir, ma gorge est nouée par les sanglots cependant j'essaie de reprendre la parole prenant, un peu avant une taffe sur ma clope.



Je soupire fortement, je sens les larmes remonter, il faut que j'arrête de pleurer, il ne faut pas que je recommence où je ne m'arrêterai pas et il me laissera là.

Je ne sais pas où j'en suis. C'est peut être pour ça que j'ai suivi ce prof ? C'est peut être pur ça que je me force à lui faire confiance ? Ou, tout du moins essayer ? Ai-je réellement tout perdu ? Ai-je vraiment touché le fond de ce gouffre qui me paraissait sans aucun fond ? Je ne sais pas, peut être qui sait ? Mon Dieu.. Pourquoi je lui ai accordé ma confiance ? Mais.. Ai-je confiance en lui ? Vraiment ? Je n'arrive pas à mettre des mots sur mon ressenti, comme beaucoup de fois. C'en est vraiment pathétique, je suis pathétique... Je fais pitié. En réalité je pense savoir pourquoi on se moque de moi parce que je suis de la fiente de pigeon... De l'a merde pour être moins poli. Je serre mon poings et me mords la joue presque à sang. Il faut que je reste seul.. Il ne faut pas que je me confie à propos des moqueries que je subis, encore moins à prof ! J'avais juré de rester dans mon coin, ne pas faire de vagues et encore moins me faire remarquer. Alors que là c'est tout le contraire qui se passe. Je dois voir le médecin de l'académie une fois par mois, je suis moqué et certains élèves ont été renvoyés par ma faute ce qui ne m'a pas aidé et là... C'est un prof qui veut savoir pourquoi je me fais du mal. Je ne sers décidément à rien ! Ça y est l'intérieur de ma joue saigne. Je sens le goût ferreux du sang inondant ma bouche , mais pour être honnête ça ne me dérange pas alors je fais avec. Prenant une longue latte sur ma sucette à cancer je ne parle pas pour le moment. Que puis-je lui dire hein ? Je recrache la fumée accumulée dans mes poumons et essaie de parler mais : ce serait trop simple pour que ça marche ! Je finis donc par bégayer que c'est ma faute. Et, au final c'est vrai, non ? Cependant lorsque je lui dit ça il me réponds que non j'ai du mal à le croire. Je suis insignifiant, je suis... Je ne sers à rire rien.. Et alors qu'il reprend la parole je l'écoute attentivement. Lui aussi a vécu ça ? Enfin je veux dire.. Presque pareil ? À cause des esprits ? Il avait de la chance que les esprits l'aiment bien. Pour ma part je les sentais mais je n'arrivais pas à savoir ce qu'il voulais. J'aurais aimé leurs parler, les entendre mais ç’aurait été trop beau évidemment . Que pouvais-je lui dire ? J'ouvrais la bouche après un silence qui me paru durer une éternité.



Bon au moins je n'avais pas trop bégayé, c'était une bonne chose, un pas en avant, un énorme pas pour tout dire ! Mais, de quoi allait-on parler à présent ? Il ne peut pas me prendre pour un fou, il a dit lui même : les esprits l'apprécient alors.. Il ne va pas se moquer, si ? Je me met un peu face à lui et relève ma tête pour regarder son visage. Enfin, c'est ce que l'on aurait pu croire.. Au dernier moment je ferme la tête et la hoche pour montrer que je suis d'accord, une fois cela fait je rebaisse ma tête pour revoir mes pieds.